Frieda Kahlo naît le 6 juillet 1907 de Mathilde Calderón, qui est d'origine indienne, et de Wilhelm Kahlo, un photographe d'origine allemande. Ils vivent dans le quartier populaire de Coyoacán au sud de Mexico. Son père est un immigrant européen.
Elle entre à l'Ecole Nationale Préparatoire en 1922 .Elle a 18 ans. Le drame se produit le 17 septembre 1925 : le « Bus » qui la ramène de son école sort de la route. L'accident est terrible et elle est profondément blessée au ventre, au pied droit... C'est son dos qui est le plus touché. Elle doit rester aliter pendant plusieurs mois et il y aura des séquelles. Les douleurs dans sa colonne vertébrale ne la quitteront plus. Les médecins lui disent aussi qu'elle ne pourra pas avoir d'enfant. La vie l'avait déjà accablée : dans son enfance elle fut atteinte de la polio, maladie qui infecte la colonne vertébrale, et cette maladie lui laissera la jambe droite déformée.
Elle dont la beauté ne demandait qu'à s'épanouir devra lutter jusqu'à la fin contre elle-même. Comme dans son enfance, c'est surtout son père qui pris soin d'elle. Elle le décrit comme « intelligent, poli et d'un caractère généreux ». Elle demeurera toujours près de lui. Les sentiments pour sa mère resteront ambivalents : à la fois charmante et cruelle... Mais cette période de convalescence lui permet de se mettre sérieusement à la peinture. En toute liberté. Selon ses propres mots, elle tentera de peindre les choses telles qu'elle peut les voir . C'est son père Don Guillermo qui l'aura initié à la peinture. Lui-même peint et photographie, en particulier des vues de son quartier de Coyoacán. Elle s'initie au portrait, à la nature morte, mais c'est sur elle-même qu'elle va focaliser son travail en réalisant un grand nombre d'autoportraits, souvent accompagnée de ses animaux favoris mais souvent aussi caricaturant ses traits (« Autoportraits ») ou réglant ses compte à distance avec Diego ( « Les Cheveux coupés » (1940), « Les Deux Frida »). Ce travail sera pour elle un moyen essentiel de supporter sa vie.
Son réalisme n'est pas seulement artistique : en 1928, elle s'inscrit au Parti Communiste Mexicain. La vie politique mexicaine est encore trouble et instable. Elle défend aussi l'émancipation des femmes mexicaines : « cette masse silencieuse et soumise » et dont la place reste encore marginale dans cette société qui demeure très machiste. Pire, elle affiche ouvertement sa liberté de femme moderne et même sa bisexualité. Pendant un débat politique (ou pendant une fête chez Tina Modotti, selon un autre version), elle rencontre Diego Rivera : c'est le coup de foudre. Diego Rivera, qui a vingt ans de plus qu'elle, est déjà un artiste reconnu, il a travaillé pour le gouvernement et sa peinture sert son dessein. Malgré ses souffrances, Frida Kahlo réalise qu'elle est capable de passion. Le 21 août de l'année suivante, ils se marient à Mexico. Il s'installe ensemble à Mexico où Diego se fait construire, en 1931, un atelier par son ami architecte Juan O'Gorman (Cette demeure est devenu le Musée Estudio Diego Rivera). Mais il finissent par s'installer à Coyocán, le quartier des intellectuels et des artistes de la capitale. « La maison bleue », où Frida Kahlo vécue de 1929 jusqu'à la fin de sa vie, existe toujours (c'est devenu un musée que l'on peut visiter ; l'endroit est tel que Frida l'avait aménagé, avec de nombreuses peintures, photos, lettres,... ).
Mais, un an plus tard, elle subit sont premier avortement. Elle n'aura jamais d'enfant. En 1932, et devenu célèbre au Etats-Unis, le couple se rend à Detroit où Diego Rivera doit réaliser des fresques pour de nouveaux bâtiments fédéraux. Elle subit un second avortement à l'hôpital Henry Ford. Elle réalisera une peinture de ce pénible épisode (« Le Lit Volant », « La Cama Volando », 1932, et aussi « Ce que j'ai vu... » en 1938...). En 1934, Frida découvre que Diego la trompe avec sa propre sœur... Elle peint un an plus tard « Quelques Piqûres » (« Unos Cuantos Piquetitos »), réponse caustique à cette sordide histoire. En 1937, elle peint un autoportrait « Sous les rideaux » où elle tient une lettre : elle y a écrit une dédicace destinée à Léon Trotski, le célèbre révolutionnaire russe qui s'est vu accordé, grâce à Diego Rivera, l'asile politique à Mexico et qui est hébergé chez Frida à Coyoacán. Ils ont eu une brève liaison que l'on dit passionnée. Elle lui présentera le tableau, où elle se présente sous son meilleur jour, le 7 novembre 1937, date anniversaire de Trotski, et de celui de la Révolution russe... « Pour Léon Trotski, je dédicace cette peinture avec tout mon amour... ». Trotski sera assassiné deux ans plus tard ( en août 40, à coup de pique à glace...). Pour l'histoire, Siqueiros, autre peintre célèbre, tentera de lui-même de l'assassiner...
En 1938, Frida Kahlo réalise sa première exposition officielle à New York, à la « Julien Levy Gallery ». Elle peut enfin montrer au monde son talent et son style si particulier. Surtout, elle réussit enfin à exorciser sa souffrance, qui apparaît comme l'un des thème principaux de ses œuvres. Elle peut aussi exprimer son attachement à sa terre, à ses traditions et se montre capable de vivre sa « mexicanité » : incarnant aussi bien la « culture indigène » en portant des costumes traditionnels, que de représenter les « femmes modernes », libres et indépendantes dans leur vie et dans leurs choix. Des peintures comme « La Colonne Brisée » (« La Columna Rota », 1944) et « Le Cerf Blessé » (« El Venado Herido », 1946) où elle s'exprime crûment, et sans volonté de « faire du beau » : ce sera là la marque de son succès. Elle peint même pour ces chirurgiens qui tente de lui redonner une existence normale ( « Pour le Dr. Eloesser », 1940). II faut dire que bien peu d'artistes osent ce qu'elle ose... Elle peint aussi l'espoir dans tableaux plus oniriques et torturés où elle glorifie les secrets de la vie ( « Le Défunt Dimas », « La Fleur de la Vie », « L'Etreinte de l'Univers »). Au même moment, André Breton qui l'a connaît bien pourra écrire : « Son art est un ruban autour d'une bombe ».
La vie du couple est de plus en plus mouvementée et en 1939, c'est le divorce. Pourtant, leur amour est plus fort que tout : ils se remarieront le 8 décembre 1940. Le temps passant, sa santé se dégrade. Son dos la fait souffrir atrocement et la médecine opératoire semble avoir fait des progrès importants. En 1950, elle subit sept opérations chirurgicales consécutives ! Cette fois, la convalescence dure neuf mois mais elle manque de devenir folle. Elle retourne chez elle en chaise roulante. Malgré sa lente déchéance, elle continue de peindre et de militer mais épuisée elle s'éteint le 13 juillet 1954 dans sa maison de Coyoacán. Pour tous, elle restera « l'incarnation de toute la magnificence nationale ».
Vie de souffrance qui saute aux yeux lorsque l'on regarde ses peintures. Elle aura ainsi réalisé plus de 70 autoportraits (seul Rembrandt aura été plus prolifique), traités de toutes les manières possibles. Elle aura été en quelque sorte le propre sujet de son œuvre. Un drôle de visage, méditerranéen, les cheveux noirs et les yeux noirs, « comme magnétiques ». Et ces fameux sourcils « en forme d'aile d'oiseaux » qu'elle ne manque pas de souligner dans presque tous ses autoportraits. Se savait-elle belle au point de vouloir amoindrir sa beauté, se sachant condamnée à ne jamais en profiter pleinement ? Mais, plus que cela, c'est son besoin d'enracinement, d'appartenance, que l'on perçoit, surtout lorsqu'elle se trouve à l'étranger, et qui se dégage de son travail lorsqu'on le met en perspective. Loin de la folie, elle tente de triompher de ses propres contradictions. Derrière cet amour pour son pays et de ses origines, c'est la question de son identité, et de l'identité de tout mexicain à laquelle elle tente de répondre dans ses œuvres, comme dans « Les Deux Frida », peinture surprenante qu'elle destinait à Diego et dont le message est clair : elle montre là son impossibilité de choisir entre Frida« la moderne », et habillée comme telle, et Frida la « traditionnelle »... celle que préférait Diego.
Surprenante Frida Kahlo. On ressent souvent un malaise en regardant ses peintures étranges, souvent maladroites, mais c'est alors qu'il faut tenter de la comprendre. Sa vie, malgré sa perpétuelle souffrance physique, n'en était pas moins gaie et active. Et même, on lui reconnaissait un tempérament plutôt optimiste. Et un fort caractère qui contrastait avec son apparente gentillesse. Il faut dire qu'avec Diego Rivera, il fallait en avoir. Un modèle pour beaucoup de femmes. Certains la considère même comme une sainte. Il ne faut pas voir dans ses portraits où elle s'enlaidit outrageusement une forme de surréalisme, mais bien plutôt une marque de franchise et même de naïveté. On lui voue un véritable culte, et il n'est pas vraiment facile de juger objectivement de sa peinture. Peut-être est-ce parce qu'elle perpétue à sa manière un art typiquement mexicain. Un art puissant, partant de la vie, cherchant ses secrets, marqué par la couleur et la naïveté, mais dont le fond reste sombre, marqué par la mort et la souffrance. On peut penser qu'elle est « surréaliste ». Mais il faut plutôt voir en elle une artiste d'avant-garde, qui n'a pas eu besoin de se servir des modèles européens même s'ils ont pu lui montrer la voie pour dépasser l'art traditionnel et académique. C'est ce mélange, cette synthèse entre thèmes universels et vie personnelle, particulièrement net chez Frida Kahlo, et que l'on retrouve souvent dans l'art mexicain, aussi bien chez les précolombiens que chez les créateurs actuels. Il est inutile d'ajouter qu'elle demeure un modèle flamboyant pour toutes les féministes mais aussi tout simplement pour toutes les femmes mexicaines et du monde en général.